La chimère poursuit son road trip littéraire et fait une halte sur les spectacles LA GRANDE TABLÉE de la compagnie OpUS et NOUVELLES DE NOONE TWO BODIES de la compagnie 1WATT.
Ce vendredi, mon vol m’a porté vers Riec-sur-Bélon et je me suis posée dans la salle de tennis de la ville !
Le souffle des intempéries a encore une fois poussé les spectateurs à l’abri de cette grande salle. Ici, pas de décor sophistiqué, juste une longue table, quelques chaises, et cette certitude qu’il va se passer quelque chose d’inhabituel. En effet, une émission de radio est prévue, avec animateur et invités.
Les hôtes sont de simples retraités, tirés au sort pour s’installer autour de la table – Dominique pépiniériste au franc parler, Jean conservateur érudit d’un musée du costume, Jacques assureur pour les instituteurs, passionné de danses et Carlotta dont il est difficile de comprendre l’activité.
La mission de ces surprenants critiques d’un soir : commenter, à leur manière, la programmation du festival. Je constaterai rapidement, vue leur manque de connaissance des arts de la rue, qu’ils n’utiliseront pas le jargon des experts, loin s’en faut !
L’animateur, Antoine Delongy, les met en confiance. Avec humour et bienveillance, il les guide, relance une anecdote, souligne un détail. Chacun s’exprime en fonction de sa spécialité. On raconte ce qu’on a vu, ce qui a surpris, ce qui a ému. Les commentaires sont bruts, drôles, parfois désopilants et d’une banalité affligeante, parfois sincères et plein de sagesse. Cette sincérité vaut bien des critiques savantes ! Les spectateurs écoutent, rient, réagissent, surpris d’applaudir des phrases simples mais justes, comme si la parole du quotidien retrouvait toute sa valeur.
Cependant malentendus, quiproquos et caricatures se succèdent et les débats prennent rapidement un tour délirant. De plus, le vin servi en abondance par un maître sommelier, fait son effet et les compagnons de tablée, désinhibés, plongent au plus profond d’eux-mêmes. Très vite, les langues se délient, les corps se lâchent. Le public assiste alors à un play-back d’enfer, une danse bretonne très novatrice ou une conférence sur le rôle de la femme au néolithique.
Les quatre compères veulent également interpréter des scénettes afin de représenter et d’honorer les spectacles commentés. Antoine, l’animateur, précise que « cela se fera avec les moyens du bord, et des compétences… limitées ! La chorégraphie est en effet plutôt approximative mais le résultat est cocasse, burlesque, hilarant. Les spectateurs sont debout, le rire est général, le gymnase chauffe un maximum !
Je m’échappe, le sourire au bec, pour prendre l’air frais du soir et retourner vers mon univers, ravie d’avoir encore une fois complété mon étude sociologique sur ces sacrés humains ! Je quitte le Festival, encore une fois nostalgique de ces beaux moments de partage.
On se donne rendez-vous aux Rias 2026 pour de nouvelles aventures ! Promis !
Vers 19h, Sophie m’accueille sur la place de la République à Bannalec. Elle est avenante, souriante. Elle m’adresse un propos sympathique puis en fait de même avec d’autres arrivants. Elle prend le temps d’installer une vieille dame au premier rang et de s’entretenir avec elle.
Je peux vous faire une confidence dès à présent : cette dame a tellement apprécié ces attentions et le spectacle qu’elle a promis de revenir le lendemain.
A 19h30, la place s’est bien remplie, Sophie prend la parole. Je comprends très vite que cette femme n’est pas banale, qu’elle est un électron libre, qu’elle ne veut pas suivre les sentiers battus.
La Liberté lui colle à la peau et va rythmer toute la prestation.
Elle nous raconte des tranches de sa vie. Elle a beaucoup bourlingué, de l’Angleterre à l’Australie, des Etats-Unis vers Londres à nouveau, puis Barcelone et même Clermont-Ferrand.
Sophie écoute, regarde, joue, crée des trucs le plus souvent loufoques, fait de belles rencontres... Parmi celle-ci, il y a Pierre, un Belge si je ne me trompe, et "les Belges ne savent pas marcher" nous confie-t-elle. Il ne sait peut-être pas marcher mais il nous montre joliment qu’il ne tient pas en place.
Ils se retrouvent tous les deux, s’emparent d’enceintes et vont évoluer ensemble au son de la musique électronique. Nous sommes invités à les suivre. Les chorégraphies s’enchaînent : ça saute, se déhanche, glisse le long des murs, grimpe sur des muretins, des palissades ou des abribus, ça se masque et redanse. Une partie des spectateurs se joignent à eux.
Deux femmes présentes se chargent des enceintes pour libérer les danseurs jusqu’au cœur de la ville.
Une rave-party en déambulation ! Pierre est increvable dans cette "rêve-party", Sophie danse et clame des slogans pour signifier plus encore ses aspirations d’indépendance et de liberté :
"Joue le jeu", " Ne décide qu’avec enthousiasme", "Echoue avec tranquillité", "Sois ébranlable"...
Autant de citations inhabituelles, auxquelles j’adhère mais que je n’ai pas osé appliquer à mon existence ; sans doute comme de nombreux spectateurs qui réagissent à leur écoute et acquiescent.
"Sous ces enveloppes de personnes déjà pleines d’expérience nous voyons des gamins, me confient Florence et Claire des copines présentes au spectacle, peut-être des adultes-enfants qui s’autorisent à se foutre de tout, qui refusent de grandir et de se plier."
Les spectateurs "ravy" sont invités à danser devant les enceintes.
Merci et bravo Sophie et Pierre, continuez de "passer par les villages" et souhaitons que vous ayez donné à plusieurs d’entre nous l’envie et/ou l’audace de vous suivre.
Comme je ne peux pas hippo-camper sur place, je m’en vais frétillante au son de la musique électro vers une dernière aventure dans les envi-hérons.