Les carnets de la Chimère

Vendredi 1er septembre

Toujours à la page, la chimère poursuit son road trip littéraire et fait une halte sur les spectacles QUI-VIVE, LE PÉDÉ, JOSETTE ET MUSTAPHA et OURSE.

C’est en début d’après midi qu’aujourd’hui je rejoins Rédéné. Le couple protagoniste du spectacle du jour a bien voulu me prêter un bocal à poisson rouge pour rejoindre le village. Je les connais bien ces deux-là, je les ai vu exécuter leurs premières brasses dans le bain des arts de la rue, il y a bien longtemps !

Le film de leur vie est présenté en accéléré, par étapes, autour de l’église de la commune. Chaque étape correspondant aux paliers décisifs de la vie du couple : les 30 ans puis les 40 ans et enfin les 50 ans.

C’est leur propre histoire que nous content Patrick et Doriane. Elle nous entraîne au sein d’une famille aux prises avec le quotidien, les espoirs, les défaites, les illusions perdues... Ils partagent leurs émotions, leurs inquiétudes, leurs vies d’acteurs, les enfants qui grandissent trop vite, et puis leurs rires, leurs contrariétés, et encore l’éducation de leurs filles, les difficultés de leur métier. Ils évoquent leur amour, leurs jalousies, tout cela avec une tendresse et une autodérision qui les sauvent de tout. Ils s’aiment et c’est beau. C’est drôle et poignant.

On ne nage pas du tout dans le mélodrame, tout est du vécu, criant de vérité ! Tout spectateur vivant en famille doit se retrouver dans cette histoire. Alors se posent plusieurs questions : Et nous ? Qu’avons-nous fait du temps qui passe ? Et qu’avons-nous à construire encore ? 

Moi qui ne vit que très peu de temps, j’aurais tellement aimé avoir une vie aussi riche et joyeuse ! En tous cas, à Rédéné, j’aurais vécu une escale enchanteresse.

Il est temps maintenant de retourner à mon bocal ! 

A très vite,

 

Chimèrement vôtre.


Dans la rue principale de la commune, nous sommes nombreux à attendre ce spectacle au titre sans concession qui nous interroge ! 

Mais notre héros arrive. « Voilà, c’est moi ! » dit-il ! Je suis Brice. Cependant il ne prononce pas à voix haute le mot nouvellement interdit au scrabble : pédé. Il faut le lire sur ses lèvres.

Les premiers propos de Brice me bouleversent. Il pointe la situation des homos qui n’est pas bien rose avant les années 70 ! Mais son projet est de savoir si un jour on pourrait jouer dans la rue un spectacle au nom aussi évocateur que « Le Pédé ». Et Chiche ! Si on le faisait ? Si on organisait la première gay-pride de Clohars Carnoët ? Le public, déjà convaincu crie son accord. C’est parti !

Le moral remonté à bloc, nous commençons à défiler dans la rue derrière un chariot poussé par une technicienne complice. Brice propose quelques étapes qui lui permettront de reconstituer à sa façon quelques évènements marquants de l’histoire homosexuelle.

Son enthousiasme bouscule alors les nouveaux militants que nous sommes devenus. D’hésitante, je deviens militante et, complice de mes voisins marcheurs, je lève le poing et scande des slogans revendicatifs, je m’allonge pour commémorer les morts du SIDA, je milite avec le FHAR et ACT UP, j’applaudis à la naissance du MLF, je marche sur les stéréotypes liés à la cause, je participe à un quizz musical !

Grâce à un récit chronologique très documenté des évènements, j’apprends les émeutes de Stonewall en 1969, la déplorable émission de radio animée par Menie Grégoire sur RTL en 1971 et l’hostilité de la CGT et du PC lors des premières manifestations unitaires en France. Ces faits sont ingénieusement mis en scène sans aucun misérabilisme et une bonne humeur communicative !

C’est instructif, vif, incisif, émouvant et percutant ... Passionnant !

Je rejoins la côte, sereine. Je me sens gaie et fière.

 

A très bientôt,

Chimèrement vôtre.


Je me suis rendue à Guilligomarc’h pour assister à l’apocalypse. Celle-ci n’étant plus programmée pour aujourd’hui je me suis rendue auprès de Josette pour la suivre dans le lent et émouvant éteignement de sa vie.

Je suis dans un théâtre de verdure, devant une ravissante caravane.

Une marée humaine dans ce petit village bucolique...une marée à nouveau, c’est mon élément...serait-ce pour moi ? Je n’en crois rien, autre chose les attire ...

Ils sont là pour Josette, une attachante et adorable vieille femme et son scientifique chat Mustapha plus philosophe ou sociologue que félin.

Hélène et Olivier nous permettent de mieux connaître le chemin de vie de cette charmante dame âgée.

Ils dévoilent pudiquement une part de son existence, ses interrogations, ses amours (Ah, le beau Léon !... mais pas Antoine, il danse comme une bûche !), ses incertitudes, ses jolis ou pénibles souvenirs (les angoisses crépusculaires diagnostiquées par le médecin de l’EHPAD) ...

Divers artifices et accessoires contribuent à l’illustration de l’histoire : les marionnettes, des enregistrements, des maquettes, des archives radiophoniques, un jeu de costumes, des photos, des bruitages, des musiques...

Josette est tendre le plus souvent, parfois délicieusement ronchon et friponne...

Je suis sincèrement émue et très triste de la voir doucement décliner, se perdre en confusions, oublier, se jouer de la Grande Faucheuse... et finalement s’éteindre.

Une jeune fille m’a glissé à l’oreille : "c’est émouvant de voir Josette se rendre compte de sa propre dégradation".

Quelle belle leçon de vie que d’évoquer ainsi la vieillesse et la mort, merci à la Cour Singulière.

La Chimère a versé une petite larme, j’en ai la pieuvre..., je la seiche et je reviens vers vous très vite.

 

Chimèrement vôtre.


Il pluviote ce soir sur Quimperlé, temps idéal pour une chimère, n’est-il pas ?

Je m’étais habituée à la foule mais, pour l’heure, il est nécessaire de rapprocher les gradins. Les gouttes peuvent-elles refroidir des Bretons ? Etonnant et dommage !

Les yeux d’une ourse (De là où je me trouve je ne peux être affirmative sur le sexe) scintillent sous des réverbères.

J’entends avec intérêt et émotion des témoignages sur la Beauté.

Sophie enfile un costume d’ourse, se dirige vers une rangée de cintres, ouvre l’une des housses... et donne ainsi le départ d’une succession de tableaux tous aussi surprenants et décalés les uns que les autres.

Des danseuses, une joueuse de yukulélé interprétant une délicieuse chanson évoquant les nombreuses et terribles chenilles du village, des marionnettes, un saumon, un lapin, des tulles colorés, des ourses musiciennes, des danseuses automates, Elvis Presley, eh oui !... Je ne peux tout énumérer tant j’en ai vu ...

Je ne dois cependant pas omettre les évocations sur les difficiles périodes de confinement, sur le rayon vert du scanner qui interpellent et qui devraient nous inciter à nous intéresser plus à la beauté...

Je me rappelle de la sobriété des couleurs d’entrée du spectacle, le brun de l’ourse et le blanc crème des housses sur le cintre mais je ne peux vous raconter le florilège de couleurs du final. J’en suis toute éblouie et estourbie.

Je reviens très vite.

 

Chimèrement vôtre.